Enquête sur la diversité en Corse: «On ne demande pas à un écolier de 8 ans la religion de son père!»

Propos recueillis par Mathilde Ceilles pour 20 minutes

C’est un document qui suscite la polémique. Destiné aux élèves du primaire et secondaire en Corse, dans le cadre d’une étude sur la diversité commandée par l’ Assemblée de Corse dirigée par les nationalistes, ce questionnaire à choix multiple, qui aurait dû être distribué dès ce lundi aux écoliers, demandait notamment aux enfants de détailler leurs croyances religieuses ainsi que celles de leurs familles, à travers des questions comme : « Est-ce que tu crois en Allah/Dieu/Yahvé ? » Une étude qui « heurte » François Tatti, conseiller territorial de Corse (DVG), qui demande sa suppression pure et simple.

Qu’est-ce qui vous dérange dans cette étude ?

C’est plus que « déranger » ! Ce qui me heurte, c’est que l’on interroge des enfants de 8 ans et plus sur des sujets extrêmement intimes et personnels : des questions sur la religion, leur nourriture, s’il mange des produits casher, de la viande le Vendredi saint, sur la religion de leurs parents, frères ou sœurs… Bref, autant de sujets parfaitement scabreux. Et la loi interdit ce type de questionnement, qui plus est dans le milieu scolaire. C’est ridicule mais surtout dangereux.

Pourquoi ?

Ces questionnaires sont totalement inappropriés. Heureusement, la réglementation l’interdit. On n’a pas le droit de faire des enquêtes sur l’appartenance religieuse des gens [la loi informatique et libertés de 1978 interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses]. Ce questionnaire n’a pas lieu d’être parce que la Corse doit respecter les règles de droit qui s’applique dans le pays. Il n’a pas lieu d’être aussi parce que ça n’a pas d’intérêt pour nos analyses.

Ils se défendent de faire des recherches. Je ne suis pas opposé à ce qu’on enquête, qu’on examine le pouls de la population. Mais on ne doit pas faire n’importe quoi pour autant ! Il faut le faire dans des conditions éthiques, de droit, qui respectent les personnes et surtout qui respectent la sanctuarisation de l’école. Si on veut enquêter, on ne demande pas à un écolier de 8 ans ce que mange son père, ce qu’il pense et quelle est sa religion ! On demande au père de famille éventuellement, à des adultes. C’est la vie privée.

Là, on transforme les élèves en cobayes et les maîtres en laborantins d’une recherche plus que dangereuse. On pose des questions non seulement sur leurs appartenances confessionnelles, mais aussi sur celles de leurs familles. C’est choquant cette intrusion dans la famille via des gamins tout petits. Quand on fait des enquêtes auprès d’adultes, les gens ne répondent pas s’ils ne le veulent pas. Là, dans un cadre scolaire avec des gamins sous la tutelle du maître, comment on fait ? Ni les parents, ni les élus n’étaient informés. Or, le consentement d’un enfant de 8 ans sur des questions aussi graves, on peut en parler !

Quelles sont vos craintes ?

Le calendrier est parfaitement surprenant puisqu’on fait ce questionnaire en pleine période électorale, destinée à faire débat au sein de l’Assemblée de Corse alors qu’il y a une élection à la fin de l’année [|les Corses éliront leurs représentants au sein de la nouvelle collectivité unique]. Il faut se demander : quel est le but poursuivi ? Quelle peut être l’exploitation possible ? Il peut y avoir aussi une exploitation destinée à réfléchir à la création d’une citoyenneté chrétienne. C’est un petit peu ça qui est en filigrane. Le danger qui nous guette, c’est la fracture de notre société et le fait qu’on puisse aller vers ce type de réflexions. En Corse, il y a des gens qui se sont prononcés clairement pour que les citoyens n’aient pas les mêmes droits selon les origines !

Que demandez-vous à l’Etat ?

On me dit que les choses évoluent dans le bon sens, alors que ce questionnaire aurait dû être distribué ce lundi (dans une interview à l’AFP, le rectorat a confirmé avoir « prononcé en l’état la non-diffusion de ce questionnaire dans le système éducatif corse »). Je vais adresser un courrier à la ministre pour lui dire notre réprobation devant cette initiative en lui demandant non pas de suspendre mais bien de retirer ce questionnaire. Et si je n’avais pas satisfaction, je compte bien saisir le tribunal administratif.

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