Deux journées d’échanges et de débats consacrés à l’évolution du tourisme vont être organisées en octobre prochain en Corse, à Lumio pour être plus précis. C’est l’excellente l’initiative que viennent d’annoncer les organisateurs de la manifestation, Carlos Moreno et Serge Orru.
Deux journées ne seront pas de trop pour réfléchir à cette question tant elle recouvre selon qu’on l’analyse comme un secteur économique, un fléau écologique, un fait social, un enjeu citoyen ou encore sujet politique. Aucun territoire touristique n’échappe à ces questionnements et en particulier la France où le tourisme représente 7,4% du PIB, et à fortiori la Corse où ce taux est de 31%. Pour certain acteurs, il pourrait même voisiner les 50% en ajoutant les secteurs économiques qui en dépendent comme l’agroalimentaire ou les services par exemple.
Le tourisme a toujours fait débat mais la crise sanitaire que nous traversons lui donne une toute autre acuité. A tel point que certains économistes, tels Jacques Attali, par exemple, le classent désormais parmi les secteurs « zombies » avec l’aérien, le pétrole ou encore la chimie. C’est à dire condamné à disparaître s’il ne se transforme pas en profondeur.

Je ne doute pas que les organisateurs sauront inviter des intervenants capables de nourrir notre réflexion et, pourquoi pas, faire émerger des solutions innovantes. Je salue d’ores et déjà la participation annoncée de Jean François Rial, dont j’avais pu lire par ailleurs les analyses intéressantes sur lechotourisme.com : » je suis convaincu que l’on ne pourra continuer à avoir des activités économiques, quelles qu’elles soient d’ailleurs, et à commencer par le voyage et l’agriculture qui ne paient pas leurs coûts environnementaux. Je pense que c’est ce qui va se passer. Mais cela ne viendra pas des consommateurs mais des citoyens électeurs qui ne sont pas tout à fait les mêmes« .
Je suis tout à fait en phase avec cette idée qui consiste à considérer que la question touristique ne peut pas être déconnectée de la plupart des autres problématiques connexes : les transports, la consommation, la production, l’immobilier, l’emploi, le milieu naturel,… Réfléchir sur l’évolution du tourisme, c’est forcément travailler à un projet de société. C’est pour cela que c’est aussi complexe et en même temps intéressant.
Voilà pourquoi une telle manifestation en Corse, à quelques mois des élections territoriales, intéressera certainement les « citoyens électeurs » chers à Jean François Rial. Ils auront peut être un début de réponse à la question que chaque Corse est en droit de se poser : quelles sont les formations politiques et les candidats les plus à même de porter ces mutations ?
A l’heure où j’écris ces lignes, la question ne s’adresse pas à la majorité territoriale sortante. La protection des terres agricoles, la préservation des sites, le « riacquistu economicu » n’auront été que des slogans de campagne vite oubliés. Aucun des dossiers majeurs qui ont un impact sur le tourisme et qui sont de la compétence directe de la Collectivité de Corse, à commencer par la mise en œuvre du PADDUC, n’a avancé. La majorité territoriale a préféré guerroyer avec les représentants de l’État « Français » et se perdre dans des querelles de chefs.
Pour les lecteurs de bonne foi qui trouveront ma critique trop sévère, je ne citerai que deux exemples récents : le retrait du label Européen pour la réserve naturelle de Scandola et l’absence de cartographie valide pour les ESA (espaces agricoles stratégiques). Deux dossiers très sensibles, étroitement liés à la pression de l’économie du tourisme, pour lesquels la majorité territoriale a fait montre d’un coupable lascia corre.
Une chose est d’affirmer des principes, de porter des convictions, autre chose est d’avoir le courage politique de les mettre en œuvre lorsque l’on est aux affaires.